Retour sur les faits

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crédit photo: Polistitution

 

Dans la nuit du 2 au 3 décembre 2015, les pompiers sont appelés, la police arrive: un agent de la BAC tire 5 balles, Babacar meurt dans une cage d’escalier

14/10/18 Il y a trois ans, nous avions retranscrit sur cette page le seul article paru à l’époque qui avait le mérite de confronter deux versions, l’une de la police, l’autre de l’ami de Babacar, seul témoin oculaire de la scène. Il s’agissait de l’article du Mensuel de Rennes. Malheureusement, cet article faisait passer Babacar pour le forcené décrit par les policiers dans les premiers articles qui en avaient relayé la version. La première justice dans une affaire de crime policier est de rendre à la victime sa dignité, surtout lorsque celle-ci est largement salie par les médias. Si l’on peut dire que le Mensuel de Rennes a permis de faire entendre que le doute planait sur la version des policiers, il a également permis à d’autres de s’autoriser à penser voire à dire que Babacar avait mérité sa mort tant il était fou. Comme nous avons déjà pu le dire, même ‘les fous’ ne méritent pas de mourir ainsi. La semaine dernière à Paris, deux policiers hors service ont su désarmer un homme d’un petit couteau en utilisant une trottinette. Sans doute cet homme n’était pas noir, et les policiers savent finalement trouver des solutions lorsqu’ils n’ont pas d’arme. Des histoires de jeunes hommes noirs qui se font tuer par la police nous en entendons deux fois par mois (1). Souvent, comme Babacar, ces hommes sont en détresse et ont besoin d’aide (2).

Babacar avait 27 ans et il aurait fêté ses 30 ans cette année. Tous les ans à la même période, les cicatrices se rouvrent, les sensations d’injustice et de colère s’intensifient. Les mêmes questionnements reviennent. Babacar était bon, aimant et aimé. Comment un homme peut-il être tué par la police quand ce sont les pompiers qui sont appelés au secours ? Comment une société peut-elle exister quand on en tue ses membres les plus fragiles et vulnérables ?

Babacar était sénégalais et il n’avait pas ses papiers. Des personnes sans papiers qui meurent en se jetant par la fenêtre pour fuir la police, qui n’en a jamais entendu parler? Les policiers, Babacar les connaissait, car dans ce monde où la police peut tuer en toute impunité, les sans-papiers sont aussi traqués.

Cette nuit du 2 au 3 décembre 2015, Babacar angoissait. Il angoissait et ce sont les policiers qu’il a vus. Comment aurait-il pu se calmer?

Ils lui ont tiré dessus au taser, mais le taser n’a pas marché. Il lui ont crié de lâcher son petit couteau de table qu’il utilisait peu de temps avant pour se scarifier l’abdomen. Mais encore fallait-il qu’il comprenne ce qui était en train de se passer.

Il faisait nuit et ils étaient 8,  4 de la BAC et 4 de la police nationale. Ils ne l’ont pas aidé et ils l’ont tué. Les pompiers ne sont pas intervenus, ils n’en ont pas eu le temps car il avait déjà reçu une puis quatre balles dans le corps. Deux mortelles.

Une fois de plus, les policiers ont fait corps. Ils ont plaidé la légitime défense, leur seule défense face à ce crime ignoble. Comment en aurait-il pu être autrement dans cette longue série de crimes racistes et psychophobes?

Puis ils ont porté plainte contre lui pour tentative de meurtre. Des histoires horribles comme celle de Babacar, il y a en a des dizaines.

Babacar agonisait dans la cage d’escalier et ils l’ont menotté. Laissé sur le sol un temps qu’on ne connaît pas. Une demi-heure, une heure, peut-être deux. Nous ne savons pas car nous n’y étions pas, mais leurs histoires on les connaît, et on n’y croit pas.

Il était seul et il avait peur, personne de ceux qu’il aimait n’était là pour l’accompagner dans son dernier souffle.

C’était à Maurepas à Rennes à 4h du matin, quand tout le monde était endormi.

Babacar on ne t’oubliera pas. (3)

(1) On compte 10 à 15 morts par an depuis 50 ans selon l’historien Maurice Rajsfus et son Observatoire des libertés publiques : Que fait la police ?. Le profil type du décédé est « un jeune homme des quartiers populaires, d’origine maghrébine ou d’Afrique Noire ».

(2) Abdoulaye Camara, Amadou Koumé, Cyrille Faussadier, l’homme de Vincennes, …

(3) La soeur de Babacar, Awa, a mandaté une troisième avocate en juin 2018. Cf « suivi » juridique

Le soir du 8 décembre 2015,

premier rassemblement à Maurepas: des bulles pour Bab111acar et pas des balles!

Spontanément, ses amis décident d’organiser un premier rassemblement au centre commercial du Gast à Maurepas pour lui rendre hommage avec des témoignages, des bougies, des chants gospel, des bulles de savon, et organiser la marche silencieuse du samedi 12 décembre. Environ 70 personnes étaient présentes.

Le 12 décembre 2015, rapatriement du corps à Dakar et marche silencieuse 

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crédit photo: Sagarroi

Samedi 12 décembre 2015, à midi, environ 300 personnes se réunissent à nouveau devant le centre commercial du Gast à Maurepas, avant d’entamer la marche silencieuse.

Des témoignages et des prises de paroles ouvrent et bouclent la marche qui s’achève place de la Mairie, juste avant la manifestation de soutien aux sans-papiers  qui débute à 15h.

Quelques jours plus tôt, un appel à dons avait été lancé pour aider la famille à rapatrier le corps au Sénégal.

Plus de photos ici, et un reportage de France 3 Régions .

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crédit photo: Sagarroi

 Le 10 décembre, le consulat du Sénégal appelle les sénégalais à ne pas participer à la marche

Dans une lettre adressée aux « Sénégalais de Rennes et des environs», le consul du Sénégal à Paris écrit :

« Les autorités compétentes au Sénégal et en France demandent aux Sénégalais (…) de ne point participer à une quelconque marche encore moins de s’épancher dans les médias.»

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