Début 2015, tu n’as pas encore tes papiers.
Tu arrives à Carrefour 18, tu veux apprendre à lire et à écrire.
« J’ai le temps, j’ai pas de travail, je veux m’intégrer. »
Aux ateliers de français, tu es assidu, curieux, patient.
« J’apprends vite, je suis motivé. »
On te voit souvent à la cafétéria, à l’Espace-Lecture, aux sorties.
Tu es sociable, tu rencontres du monde.
« J’aime les gens.»
Le vendredi, c’est toi qui installes la sono et animes une demi-heure de l’atelier salsa avec des danses sénégalaises. Tu aimes rendre service.
Puis est venu l’été.
Tu as attendu la rentrée impatiemment.
Ateliers de français, recherches d’emploi, bénévolat, promesses d’embauches, sport, musique, médecin, aide alimentaire, papiers, démarches parfois vaines et fatigantes.
Des portes s’entrouvrent, se ferment, claquent quelques fois.
Tu te décourages.
« J’ai mal à la tête, je dors pas bien, j’en ai marre ».
C’est dur l’impuissance, par moments tu ne sais plus où est ton chemin.
« Je suis un homme, je veux vivre normalement, compter sur moi-même ».
Tu t’accroches, tu vas réussir.
« Ca va aller ».
Tu vas donner des cours de danse sénégalaise à Carrefour 18, dans d’autres associations aussi.
Le 4 décembre ce sera le premier, tu te prépares.
Mais tu n’as pas pu, ton chemin s’est arrêté là.
Babacar Gueye a fréquenté les Centres Sociaux de Carrefour 18, des Champs Manceaux, et de Villejean. Il a été tué par la police le 3 décembre 2015 à Maurepas.