Hommages

Commémoration de la mort de Malik Oussekine à l’université Rennes 2

Mardi 5 mars 2019 est inaugurée une plaque en hommage à Malik Oussekine à l’université de Rennes 2.
Comme à chaque événement qui commémore l’un des nôtres assassiné par la police, le Collectif Justice et Vérité pour Babacar est présent aux côtés de la famille Oussekine pour lui rendre hommage.

Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, à Paris, Malik Oussekine, étudiant franco-algérien de 22 ans, sort d’un club. Il est pris en chasse par deux policiers du Peloton voltigeur motoporté, mobilisés pour disperser une manifestation étudiante à laquelle il ne prenait pas part. Il essaye de fuir en se réfugiant dans un hall d’immeuble. Les policiers le rattrapent, se jettent sur Malik et le frappent avec une violence inouïe. Les coups de pieds et de matraques pleuvent. Puis, ils partent, le laissant ainsi. Les sauveteurs du SAMU ne parviennent pas à le réanimer. Malik Oussekine meurt peu de temps après à l’hôpital Cochin. En janvier 1990, les policiers sont condamnés à des peines de prisons avec sursis.

Cette même nuit, à Pantin, un autre jeune homme français d’origine algérienne de 19 ans, Abdel Benyahia, tente de s’interposer lors d’une bagarre. Un policier qui n’est pas en service fait usage de son arme sans sommation. Abdel meurt sur le coup d’une balle en plein cœur.

Quelques 29 ans plus tard, dans la nuit du 2 au 3 décembre 2015, dans le quartier de Maurepas à Rennes, Babacar Gueye, un sénégalais de 27 ans, passe la soirée chez des amis. Dans la nuit, pris d’une crise d’angoisse, il s’auto-mutile avec un petit couteau de cuisine. Son ami appelle les pompiers en espérant une prise en charge médicale. Mais ce sont 8 policiers qui arrivent. Le taser d’un des 4 membres de la Brigade Anti Criminalité s’enraye. L’intervention policière accentue sa panique. Un policier de la BAC sort son arme et tire à 5 reprises sur Babacar. Deux balles sont mortelles. Babacar Gueye s’effondre. Il est menotté et finit d’agoniser à même le sol. Dans la matinée du 3 décembre, le policier qui a tué Babacar porte plainte contre lui pour tentative d’assassinat. La première plainte d’Awa est classée sans suite par le procureur qui considère le policier en état de légitime défense. Quinze mois plus tard, la famille obtient l’ouverture d’une enquête qui est toujours en cours d’instruction.

Quelles leçons tirer de ces affaires ?

Que la trentaine d’années qui les sépare n’a pas vu la violence raciste de la police diminuer. Que les policiers continuent de traquer, mutiler, violer et tuer des personnes (entre 15 et 20 meurtres par an) qui sont, pour une écrasante majorité d’entre elles, des hommes non-blancs. Que les crimes policiers ne sont pas des bavures, mais s’inscrivent plutôt dans une logique étatique de mise au pas des populations non blanches. Que les victimes sont toujours criminalisées pour tenter de justifier leur mise à mort. Que la longueur des procédures, les pressions subies et la quasi-systématique absence de peines pour les policiers finissent d’aggraver la souffrance et le déni de justice que vivent les familles de victimes. Que la police reste toujours impunie grâce à la complicité de l’appareil de l’état.

Pour toutes ces raisons, le Collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye, qui s’est constitué autour de sa sœur, Awa Gueye, est présent pour l’inauguration de la plaque en hommage à Malik. Pour honorer sa mémoire, pour réaffirmer que nous n’oublierons jamais, mais aussi pour apporter notre soutien aux familles de victimes d’agressions et de crimes policiers, qui sont ou ont été engagées dans un combat juridique long et éprouvant.

Force à la famille de Malik Oussekine et à celle de Théo Luhaka qui sera présente ce jour la aussi.

Notre présence est nécessaire, car nous menons, à Rennes, un combat contre ce racisme politique, qui permet de torturer et de tuer ces personnes dont la vie compte moins, qui autorise le viol de Théo et la mise à mort par la police de Malik, de Babacar, de Wissam, de Lamine, d’Abou, d’Angelo, d’Amine, d’Aboubacar, de Gaye, de Houcine, d’Abdel, de Zyed, de Mourad, de Bouna, d’Ali,… la liste des morts est bien trop longue pour tous les nommer. Egalement car nous dénonçons toute forme de violences policières, comme celle qu’a subie Jean-François Martin, éborgné à Rennes lors des manifestations contre la loi travail en 2016.

La lutte doit continuer, c’est pour cela que le Collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye appelle à converger le samedi 16 mars à Paris, pour marcher contre les violences policières et le racisme d’État. Aux côtés de celles et ceux qui subissent ses violences au quotidien, des familles de victimes d’assassinat policier et des personnes exilées qui luttent sans répit contre toutes les oppressions qui les impactent au quotidien, pour la justice, la dignité, pour la vie.

100 portraits contre l’état policier, Cases Rebelles

Il n’y a sans doute pas assez de mots pour exprimer nos sentiments devant l’ouvrage du collectif nantais Cases Rebelles. Un simple merci ne suffirait pas. Sortir nos morts de l’oubli est sans doute le combat le plus lourd à porter, au delà du judiciaire, pour des familles et des proches endeuillés. Alors, nous souhaitons longue vie au collectif et un grand merci pour ce travail de longue haleine et imprégné d’amour et de solidarité.

Voici un extrait de leur interview :

« L’oubli permet qu’il n’y ait que des accidents en lieu et place d’une violence systémique qui rejoue l’innocence à chacune des occurrences .

Nous avons voulu à travers le dessin représenter ces âmes de leur vivant. Nous avons pensé les résumés comme autant d’encouragements à en apprendre plus, à faire des recherches, à transmettre. Que ces soifs d’en savoir plus, de creuser, amendent les multiples injustices des versions officielles et de leurs tribunaux. Et que cela génère de la force pour tous les combats en cours.

[…]

Chacune de ces victimes mériterait un livre et une contre-enquête.

[…]

Il ne s’agit pas d’icônes ou de héros mais des figures incontournables des luttes pour un monde plus juste.

Ces portraits réaffirment aussi le caractère sacré de la vie, bafoué par la mort brutale. Ces vies volées ne sont pas seulement les symptômes d’une violence d’État :

il s’agit d’individu·es qui avaient des rêves. Des personnes sensibles qui étaient aimables et aimées. Et ces morts auraient pu être évitées.« 

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Pour se procurer le livre: sur leur site ou sur le site de l’éditeur

A lire aussi l’interwiew sur Quartiers Libres

 

 

Marche commémorative, 1 an, 3 décembre 2016

Publié le 7 octobre 2016 par Zinzin Zine

Meurtres policiers racistes et psychophobes : Marche pour Babacar Gueye le 3 décembre à Rennes.

Meurtres policiers racistes et psychophobes : Marche pour Babacar Gueye le 3 décembre à Rennes.

[Contenu sensible : meurtres policiers racistes et validistes (psychophobes)]

Nous relayons l’appel au rassemblement le Samedi 3 décembre à 14h à Rennes du Collectif Justice pour Babacar Gueye :

« Le 3 décembre 2015 à Rennes, Babacar Gueye a été tué par la police qui lui a tiré 5 balles dans le haut du corps, dont 2 mortelles au niveau du thorax. La police est intervenue alors que Babacar était en situation de détresse psychologique et que son ami avait appelé les secours pour avoir de l’aide. La famille s’est portée partie civile et a porté plainte pour HOMICIDE VOLONTAIRE auprès du procureur de la République à Rennes. Près d’1 an plus tard, un non-lieu a été prononcé pour les policiers et le dossier semble bloqué. STOP AUX VIOLENCES POLICIERES! NOUS EXIGEONS LA VERITE ET LA JUSTICE POUR BABACAR GUEYE! » Un départ groupé est prévu depuis Paris. (Pour plus d’info retrouver le blog du collectif de soutien ici, et leur page facebook ).

Plus récemment, le 22 septembre dernier, à Bézier, un homme noir de 46 ans (dont le nom n’a pas été divulgué) a été tué par la police, alors que visiblement il était aussi en pleine détresse psychologique.

Le caractère raciste, classiste et validiste (ici psychophobe) de ces meurtres est indéniable.

Et nous voudrions insister sur le caractère validiste des violences policières en général, car si en France, l’état refuse de divulguer les données précises et chiffrées concernant ces violences, les chiffres étasuniens sont accablant, puisqu’en 2015 le journal USA Today par exemple rapportait une étude estimant que : « les personnes malades mentales ont 16 fois plus de risques d’être tuées par la police », et on estime également que plus de la moitié des personnes tuées par la police sont des personnes handicapé·e·s. Ceci n’enlève rien au caractère profondément raciste et classiste des violences policières en général, puisque parmi ces victimes handicapé·e·s beaucoup sont aussi des personnes racisé·e·s et/ou pauvres.

Autour de nous, combien de personnes handicapé·e·s et/ou psychiatrisé·e·s sont tué·e·s chaque années par la police sans même que leur meurtre n’accède à la rubrique « faits divers » des journaux ? Comme beaucoup de psychiatrisé·e·s qui traversent parfois des états de conscience hors-normes, les contributriceurs de Zinzin Zine ont trop souvent eu à subir la violence des « forces de l’ordre ». Pour la police, les coups de taser semblent être devenue la norme de la « prise en charge » des personnes en grande détresse psychologique. En 2015, après l’une de ces « interventions » policières, l’une d’entre nous a failli ne jamais se relever. Chiffrée ou non, la dimension validiste des violences policières est pour nous une réalité et une menace qui plane lourdement sur nos vies.

Visibilisons et luttons contre les violences faites aux personnes psychiatrisé.e.s, et à tou.te.s les personnes handicapé.e.s!

Marchons pour Babacar Gueye et toutes les autres victimes de crimes et de violences policères!

Notre solidarité à TOUTES les victimes de violences policières et à leurs proches!

Zinzin Zine

Le chemin de Babacar

Cet article est paru dans La Gazette#9, la lettre d’information des Centres Sociaux Rennais, avril 2016

 

« Je m’appelle Babacar,
Je suis sénégalais,
Je suis courageux.
J’ai la peau noire comme le chocolat.
Mes cheveux sont noirs comme la nuit.
J’ai les yeux noirs comme ceux du hibou.
Je suis né il y a 27 ans dans un pays merveilleux.
Pour venir ici, j’ai voyagé longtemps
A pied, en charrette, en voiture, en bateau.
J’ai dû me débrouiller, c’était dur mais je suis resté courageux.
Et me voilà ici. »

Début 2015, tu n’as pas encore tes papiers.

Tu arrives à Carrefour 18, tu veux apprendre à lire et à écrire.

« J’ai le temps, j’ai pas de travail, je veux m’intégrer. »

Aux ateliers de français, tu es assidu, curieux, patient.

« J’apprends vite, je suis motivé. »

On te voit souvent à la cafétéria, à l’Espace-Lecture, aux sorties.

Tu es sociable, tu rencontres du monde.

« J’aime les gens.»

Le vendredi, c’est toi qui installes la sono et animes une demi-heure de l’atelier salsa avec des danses sénégalaises. Tu aimes rendre service.

Puis est venu l’été.

Tu as attendu la rentrée impatiemment.

Ateliers de français, recherches d’emploi, bénévolat, promesses d’embauches, sport, musique, médecin, aide alimentaire, papiers, démarches parfois vaines et fatigantes.

Des portes s’entrouvrent, se ferment, claquent quelques fois.

Tu te décourages.

« J’ai mal à la tête, je dors pas bien, j’en ai marre ».

C’est dur l’impuissance, par moments tu ne sais plus où est ton chemin.

« Je suis un homme, je veux vivre normalement, compter sur moi-même ».

Tu t’accroches, tu vas réussir.

« Ca va aller ».

Tu vas donner des cours de danse sénégalaise à Carrefour 18, dans d’autres associations aussi.

Le 4 décembre ce sera le premier, tu te prépares.

Mais tu n’as pas pu, ton chemin s’est arrêté là.

Babacar Gueye a fréquenté les Centres Sociaux de Carrefour 18, des Champs Manceaux, et de Villejean. Il a été tué par la police le 3 décembre 2015 à Maurepas.